Texte d'Isabelle sur la journée du 15 décembre
Ce 15 décembre, nous (quelques âmes de bonne volonté) étions présents sur les pavés de Charleroi avec ces questions en tête : comment le carolo de base vit-il ces mouvements de grève qui secouent notre pays depuis quelques temps et surtout, se sent-il concerné par ceux-ci ?...
Nous avons rencontré un policier à la retraite et sa femme qui, rendu loquace par le Beaujolais nouveau qu’il appréciait visiblement, nous a donné un aperçu de son positionnement sur le sujet.
Il se dit « rattachiste » mais pense que la Wallonie n’en a pas les moyens : « A quoi bon devenir un nouveau département français avec un taux de chômage élevé ?... Si nous devons entrer dans l’histoire française, autant le faire la tête haute. »
Il pense que Bart (pas Simpson !) n’écoute que lui-même et que la négociation est pour lui un mot vide de sens puisqu’il est la seule personne intéressante et sensée qu’il connaisse ; les conversations avec son miroir doivent être assez soutenues.
Quand ce monsieur exerçait encore son métier de motard de la police, il a presté quantité d’heures supplémentaires et de week-end de permanence qui n’ont pas été payés (6000 euros) et il dit que l’Etat doit 88 millions d’euros en heures supplémentaires pour le seul département de la police. Il pense que le métier a besoin de sang frais et que ce genre d’attitude du gouvernement ne peut que freiner les nouvelles vocations.
A son avis, il n’y a pas de couleur politique « déclarée » à la police mais il y a des influences dites « rouges ».
Il pense aussi que le saut d’index prévu par le gouvernement fera perdre 35 à 40 € par mois à chaque citoyen mais il remarque que la femme de ménage d’Albert Frère paie plus d’impôts que lui. What the fuck ?....
Ensuite, nous avons laissé notre couple pro-rouge (dans toutes les dimensions du terme) pour nous diriger vers la Maison des Huit Heures où nous avons pris une boisson réconfortante et rencontré quelques syndicalistes de couleurs diverses.
La bedaine satisfaite, nous avons mis les voiles vers la Ville Basse ; j’y ai rencontré deux messieurs pour le moins désabusés par les mouvements sociaux actuels. L’un pense que, si on veut vraiment du travail, on en trouve toujours et qu’il ne faut pas compter ses heures supplémentaires si on tient à garder son emploi. J’ajoute que ce monsieur est dans l’Horeca depuis de nombreuses années et, de fait, habitué aux horaires décalés et aux heures hors contrat. Mais il admet que son salaire n’était pas toujours en rapport avec la force de travail qu’il déployait et, parfois, un appui syndical aurait permis de se positionner avec plus de force quand il espérait une augmentation.
Son compagnon de table me semblait plus désenchanté mais, d’un point de vue pratique et quotidien, il était très réactif tout en disant que ce n’était pas grand-chose. Par exemple, il avait remplacé ses ampoules normales par des économiques ; il coupait le chauffage de son salon une
½ heure avant de rejoindre sa chambre…Et autres recettes de prudence et de bon sens qui montrait que ce monsieur, sans battre le pavé avec des calicots, avait lui aussi des plans personnels pour survivre à la récession.
Et, comme le meilleur est toujours pour la fin, j’ai pu rencontrer un couple de fonctionnaires qui se disaient socialistes ; certes, ils en avaient la forme mais pas le parfum.
Quand j’ai tenté de capter leurs opinions, je me suis retrouvée confrontée à un mur de fausse compréhension et de vraie condescendance vis-à-vis de ces revendications syndicales.
Ils montraient un soupçon d’inquiétude pour la carrière de leurs enfants tout en admettant que, grâce à eux et leur insistance pour qu’ils fassent des études sérieuses (je n’ai pas réussi à savoir à quoi le qualificatif « sérieux » se rattachait), ils avaient des salaires qui leur assuraient une certaine aisance.
Mais ils pensaient que si les « bons » marocains pouvaient s’installer dans notre pays et pas cette racaille pétrie de mauvaises intentions qui infeste nos rues, il y aurait moins de délinquance et plus de travail pour les « bons » immigrés courageux et motivés. Ils remarquaient aussi que, dans le village marocain où il possède une 2de résidence, il n’y avait que les premiers susnommés qui ne savaient qu’inventer pour satisfaire leurs moindres besoins et, suprême enchantement, on peut y vivre pour quelques euros par semaine.
Sur ce, je leur ai souhaité une bonne soirée puisque je ressentais une légère nausée envers cette esprit néocolonial qui me semblait assez déplacé dans cette journée où la parole de gauche a encore sa place.
J’ai rencontré…des désespérés et des désespérants ; des farouches et des bavards sans frontières ; des sinueux et des braqueurs d’opinions ; de futurs précarisés et des « Sans Désespoir Fixe » ; de vrais gentils, de faux attentifs…
Mais aussi des gens qui pensent que l’avenir est un mot vide de sens et plutôt anxiogène. Des gens qui pensent que, si on se laisse faire, c’est qu’on le vaut bien.
Dans la grande majorité, les personnes rencontrées ne sont pas dupes mais souvent, elles se demandent quels outils utilisés face à ce gouvernement qui, on le sait, est de droite et, donc, assez incapable de comprendre l’esprit du peuple et ses revendications.
Mais ce que je sais, moi, citoyenne de ce pays également, c’est que le vote ne doit pas être un geste d’humeur sans réflexion mais un mouvement réfléchi pour le long terme et pour le bien de tous. Donc, la prochaine fois qu’on vous demandera votre avis, faites le savoir et assurez- vous qu’il est en accord avec vos aspirations profondes…
Isabelle, éducatrice en devenir…